Pascal Auberson - 24.10.2008

Publié le par La Côte - Culture

Pascal Auberson «J’ai gagné en lucidité dans l’écriture »


Il y a quelques semaines, Pascal Auberson est revenu sur le devant de la scène avec un album – Kelomès - singulier, fort, et surtout, différent. Différent car la forme musicale a changé. Exit les harmonies contraignantes, les structures traditionnelles de la chanson, même s’il dit les avoir tant aimées et les aimer toujours. Exit aussi les grandes mélodies et, à moindre mesure, le chant. Place désormais à un homme, fort de son histoire, qui déclame une poésie coup de poing qu’une musique électro intelligemment répétitive - fignolée par Pierre Audetat et Christophe Calpini, des maîtres du genre -, libère intégralement.

 A quelques jours de son passage à Beausobre, Pascal Auberson répète son spectacle, mémorise les textes, et c’est plus dur qu’avant, comme il le dit, pas que l’âge empêche la mémoire, non, mais les rimes et les refrains, des repères précieux pour ladite mémoire, font désormais plus souvent place à de longues déclamations, libres. Dans son local du Flon, à Lausanne, il écoute les questions, s’explique, cite les maîtres qu’il a fréquentés – Gainsbourg, Higelin, et bien sûr Nougaro, qui a tant dit de lui qu’il était son fils spirituel –, mais aussi ceux qu’il n’a pas connus, Miles Davis surtout, qu’il admire tant. Et puis vient le moment d’expliquer ce changement dans sa musique: je sentais depuis un certain nombre d’années que, par rapport à la chanson traditionnelle – que j’ai beaucoup fait et que j’ai adoré faire -,je ne trouvais plus l’accroche. Pour moi les mots commençaient à perdre de leur force. J’avais un grand questionnement sur la forme de la chanson, et je ne savais plus comment faire pour dire les choses, pour garder le groove.

«Je me promène, je nage»

Alors la musique électro: un arrière fond sur lequel le chanteur conquiert de nouveaux espaces de liberté. Sur cette musique, je me promène, je nage. Je chante moins et déclame plus. Mais s’il sait que la répétition peut l’ennuyer, - et même le faire chier -, il admet qu’avec le travail de Pierre Audetat et Christophe Calpini, il est à l’abri : ils ont quelque chose, l’art de la répétition, de l’orchestration. Ce ne sont pas n’importe qui… Et quand on lui demande s’il n’a pas peur de perdre son public, Pascal Auberson est sûr de son fait : ce qui guète l’artiste, c’est la psychorigidité. Et d’évoquer Miles Davies: il jouait tout le temps de la trompette de la même manière, mais ce qu’il a fait, c’est prendre des musiciens, comme Markus Miller à la basse, qui avaient 20 berges. Et les mecs avaient une énergie fantastique, ils poussaient le «vieux».

De fait, Auberson sait de quoi il parle, lui qui a été bousculé par les «jeunes», et même par son fils César, qui joue désormais avec lui. Miles Davis disait toujours qu’il fallait aller là où ça fait peur, où il y a des sables mouvants. Aussi,comme pour mon expérience avec Dynamike (ndlr : rappeur lausannois avec lequel il chante dans le spectacle «Soudeurs de mots»)au DClub de Lausanne, ce que je cherche, c’est d’aller dans un endroit où les mecs ont 18,19,20ans et où on ne me connaît pas. C’estdans ce genre d’expériences que je me mets en urgence. Et ce qui est drôle,c’est que dans ce petit pays, j’étaisun artiste de la Première chaîne, et maintenant, je passe sur Couleur 3, ce qui est pour moi le plus beau cadeau du monde. Pas que Couleur 3 soit une chaîne qui m’obsède, mais, tout à coup, je suis devenu un artiste qui parle peut-être à la jeunesse.

Quant à la violence qui habite parfois ses textes, et qui pourrait le faire passer pour un prédicateur castagneur, il tempère: de la révolte interne, oui, je ne crois pas à la révolte armée. Pascal Auberson, comme il le dit, a gagné en lucidité dans l’écriture, peut-être par compensation, comme il le dit encore, d’une chose perdue au creux du ventre.


Rodolphe Haener
Photo DR
29.10.2008

Publié dans Musique

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