Marcel Rufo - 03.02.10

Publié le par La Côte - Culture

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Marcel Rufo: «je vais continuer
à prescrire du père
»


Marcel Rufo signe un essai sur le rôle de la figure paternelle. Le pédopsychiatre toulonnais s'explique lors d'un entretien téléphonique.

L'essai de Marcel Rufo s'intitule Chacun cherche un père. Son ouvrage se penche sur les images du père-héros de l'enfance, du père symbolique et du père réel. Marcel Rufo souhaite l'inscrire au cœur de la psychiatrie. L'auteur, âgé de 66 ans, dirige aujourd'hui l'Espace Arthur, service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à Marseille. Un accent du sud envahit le combiné du téléphone, Marcel Rufo est au bout du fil pour un entretien.

 

Quel a été l'élément déclencheur de ce livre?

Les pédopsychiatres, en général, ne prescrivent pas assez de père. La mère est au centre de tout: de l'enfance, de l'adolescence. Je voulais montrer ce qu'il y a de particulier dans la relation père-enfant. C'est aussi un hommage à mon propre père.

 

Vous lui consacrez un prologue. Quels souvenirs gardez-vous de lui?

L'anecdote racontée dans le livre. Je m'étais coupé un doigt et, la nuit, il était venu dormir à côté de moi sans rien dire. C'était sympa. Et aussi, à la fin de sa vie, lorsqu'il a eu un accident vasculaire et que je l'avais grondé parce qu'il ne pouvait plus avancer.

 

Comment décrire l'enfant qui est en vous?

Les pédopsychiatres ont une grande part d'enfance en eux. Maintenant j'ai grandi, je suis passé à l'adolescence. Nous ne sommes pas neutres. Nous écoutons les pensées, les peurs et les attitudes des enfants. Nous sommes dans une exploration permanente du monde de l'enfance. On est obligé de penser à soi enfant.

 

Comment étiez-vous, enfant?

J'étais un enfant pas très bavard, un brave gosse, modèle, gentil et attentif. Je suis né psychiatre. J'ai toujours été intéressé par mes pensées et celles des autres. J'ai des souvenirs à l'âge de 4 ans. J'ai gardé une part d'enfance par mon optimisme. Je suis un psy pas triste. Je suis dans l'utopie et l'imaginaire. Par exemple, je suis en train de faire des projets majestueux pour un hôpital que je ne dirigerai jamais.

 

Dans votre ouvrage, vous comparez le psychisme de l'enfant à une maison. La mère en serait les murs et le père, la clôture autour du jardin. Pouvez-vous commenter cette image?

La maman est le contenant. Et le père, c'est l'extérieur, l'aventure. Cette maison évolue en grandissant, il faut entretenir la plomberie. Au grenier, on met les souvenirs et à la cave, les mauvaises pensées. ça, c'est du Bachelard traduit en marseillais.

 

Quelle est votre position par rapport aux parents de même sexe?

Les couples homosexuels sont capables d'être parents, aussi bien que les hétéros. Pas mieux, aussi bien. C'est toute une famille qui adopte un enfant, avec les oncles, les tantes… Je vais militer pour ça. Selon certaines études, 63% des Français sont encore contre l'adoption par les homosexuels.

 

Que souhaiteriez-vous que l'on retienne de votre livre?

Que «le père ce héros» est ensuite remis en cause. Le père est important pour se construire. La famille c'est: un père, une mère et un enfant. Il faut entendre aussi ce que les pères ont à dire. Je prescris très souvent du père, et je vais continuer à le faire. Des lectrices me disent souvent: j'ai mieux compris mon mari avec mon enfant et mon père avec mon frère. Chacun se réfère à sa propre vie. Personne n'est neutre. Les pédopsychiatres non plus. Même la Suisse n'est pas neutre!

Propos recueillis par Cécile Gavlak
Photo: Muriel Berthelot
03.02.10


Chacun cherche un père, Ed. Anne Carrière.

Publié dans Littérature

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