Christophe Perton - 29.10.2009

d'un fait divers»
La Comédie de Genève présente Roberto Zucco, de Bernard-Marie Koltès, mis en scène par Christophe Perton. L'œuvre s'inspire d'un fait réel. Au début des années 1980, Roberto Zucco, 19 ans, assassinait son père et sa mère et fut condamné. Après son évasion, il entame une course passant par l'Italie, la France et la Suisse. Dans sa cavale, le criminel s'en était pris à un pompiste de Rolle, où il avait aussi enlevé une institutrice. Entre fulgurance et épopée, un nouveau Roberto Zucco se présente à la Comédie de Genève. Entretien avec le metteur en scène Christophe Perton.
Vous avez décidé de monter «Roberto Zucco». Quelle lecture faites-vous de ce fait divers?
Bernard-Marie Koltès a fait une interprétation idéalisée du fait divers, transcendé par sa poésie. Dans la pièce, le criminel a un autre nom que le vrai Roberto Succo. Deux ou trois détails sont similaires à l'histoire vraie, mais le parcours du personnage Roberto Zucco est différent. Je me suis centré sur cette œuvre testamentaire, que Koltès a écrite peu avant sa mort. J'ai bien sûr étudié la genèse de la pièce et comment l'auteur s'est renseigné sur Roberto Succo. Mais la dramaturgie n'a rien d'un fait divers. Koltès a pris la réalité à bras-le-corps. Roberto Zucco, c'est tout le contraire d'un fait divers. C'est une épopée.
Pourtant, la Comédie de Genève a inscrit cette création dans la thématique du fait divers... L’avocat Marc Bonnant viendra même défendre la cause du personnage imaginaire...
C'est une initiative de la Comédie, je n'ai pas participé à cela. J'ai monté la pièce de théâtre, pas un fait divers. Bernard-Marie Koltès a utilisé le personnage de Succo comme moteur pour raconter son propre rapport à la vie, au monde et à la transgression. Le fait divers a été un vecteur pour créer la pièce.
Pensez-vous qu’il y ait un peu de Koltès chez Roberto Zucco?
Les auteurs de théâtre mettent beaucoup d'eux-mêmes dans leurs pièces. Le personnage de Roberto Zucco dit «je ne veux pas mourir, je vais mourir». Cela juste avant la mort de Koltès... Cette pièce est une manière, pour lui, de parler du monde, de la joie, de l'amour des uns et des autres et de l'amour de la liberté.
Bernard-Marie Koltès semble amoureux du vrai Roberto Succo quand il en parle...
Il est amoureux de l'image de Roberto Succo. C'est une icône. Il l'a rencontré par le biais d'une affiche dans le métro. Et il a vu cette scène, dans un documentaire, de Roberto Succo qui jetait des tuiles aux gardiens depuis le toit de la prison. Koltès a été fasciné par le mystère de cet homme. Et il en a fait une espèce de mythe.
Comment vous est venue l’envie de monter cette pièce ?
Je l'ai vue en 1991, mise en scène par Bruno Boëglin. Je savais que j'aurai un jour rendez-vous avec cette pièce. C'était juste après la mort de Succo et la mort de Koltès. Je la monte maintenant, vingt ans plus tard, avec un certain recul et un autre regard. C'est ça qui a animé mon projet.
A l’époque, cette mise en scène avait été interdite à Chambéry où un agent de police avait été assassiné par Roberto Succo. Qu’en pensezvous aujourd’hui?
Je n'en pense rien. Ça ne m'intéresse pas de juger un côté ou l'autre. C'est toujours dommage d'interdire une œuvre, mais c'était un an après des événements violents et sanglants. L'émotion était importante. C'était difficile de mesurer qu'on avait affaire à un auteur et pas à un provocateur. Les réactions étaient assez naturelles d'un côté comme de l'autre. Aujourd'hui, c'est une pièce magistrale qui est presque un classique théâtral.
Cécile Gavlak
Photo: DR David Anémian
29.10.2009