Abd al Malik - 3.12.2009
Abd Al Malik,fils de l'instant
Révélation des dernières Victoires de la musique, la carrière d'Abd Al Malik a véritablement éclaté au visage de la scène rap française. Avec Dante son dernier opus, cet amoureux fou du verbe, a fait la brillante démonstration de son immense talent. Dimanche dernier, quelques minutes avant son concert au théâtre de Beausobre, Abd Al Malik a évoqué son art, un florilège tout en subtilité!
Vous avez été découvert par Couleur 3, une radio suisse. La France ne voulait-elle pas vous entendre?
Je ne sais pas? Ce que je sais, par contre, c'est que j'amène quelque chose de complexe, il a peut-être fallu laisser le temps de la digestion (rires…).
Les rappeurs sont-ils les poètes du XXIe siècle?
C'est en tout cas l'ambition que j'ai, sans prétention aucune. Il s'agit juste de redonner sa place au verbe, de faire du lien avec notre époque.
Votre dernier disque comporte des références littéraires pointues: Spinoza, Sénèque. Sont-ils des classiques d’actualité?
Ce qui n'a pas bougé et qui ne bougera jamais, c'est que l'on a affaire à des êtres humains. On aime, on est triste, on pleure. Il y a des gens qui nous ont précédés qui ont dit des choses intéressantes. Mais la modernité c'est nous, c'est la capacité à ramener ces choses à notre époque.
Jacques Denis, dans le Monde Diplomatique de septembre 2008, a qualifié votre oeuvre de face admissible du rap français, une provocation gratuite?
Moi, je suis plutôt fair-play! A partir du moment où l'on est une personnalité publique, on se doit d'accepter la critique. Des gens expriment leur accord ou leur désaccord avec ce que l'on fait. Et puis franchement, mieux vaut être la face admissible que la face inadmissible! (Rires…)
Mais tout demême, vous n’en faites pas un peu trop avec C’est du lourd. N’est-ce pas trop moralisateur?
On confond trop le fait d'être moral ou moralisateur. Mes textes sont un peu comme une fable de La Fontaine, en toute humilité bien sûr. Je dis des choses et tout est clair. Mais si vous écoutez bien, je ne dis pas aux gens faites ceci ou cela. Il y a une confusion fondamentale, mais je respecte trop les personnes pour leur dire ce qu'ils ont à faire.
Votre succès est-il un rêve?
Bien sûr! Moi vous savez, je suis le fils de l'instant. Je me dis que ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera peut-être plus demain. Donc, je suis tout entier dans le moment présent. Il est possible qu'un jour je ne vende plus de disques! Mais ce jour-là, je me dirai que j'aurais vraiment profité des bons moments…
Si vous aviez un voeu pieu?
(Long silence…) C'est qu'il n'y ait plus de bêtise de par le monde, c'est un beau projet et je m'y attelle.
DANIEL BUJARD
3.12.2009
Photo: Céline Reuille